12h38
, le 9 juin 2019
Par
Karen Lajon
envoyee
speciale a Seoul(Coree du Sud)
PORTRAIT - Apres avoir embrasse la foi chretienne, Chun Ki-Won,
63 ans, est devenu pasteur et fonde la mission Durihana qui vient en aide aux
desesperes de la Coree du Nord.
A PORTRAIT - After embracing the Christian faith, Chun Ki-Won, aged 63,
became a Pastor and founded Durihana Ministry which helps desperate refugees
of North Korea.
△ Le pasteur Chun Ki-Won. (DR.)
Il a eu son heure de gloire dans les médias. Puis, les
apparitions se sont espacées. D'autres ont pris le relais, ont fait parler
d'eux, plus bruyamment. Pourtant, le pasteur Chun Ki-Won n'a jamais cessé.
Cesser de sauver des vies. Celles de Nord-Coréens assez courageux ou
fous pour fuir la dictature de la lignée des Kim Jong. Ce jour-là,
le révérend est assis sur un canapé, dans les locaux de
son église, à Séoul. Les coupures de presse encadrées
qui habillent les murs de la pièce, témoignent de sa foi et de
son obstination.
He had his moment of glory in the media. Then, visibility and
notoriety lessened. Other groups made themselves known and took over, with a
lot more noise. Yet, Pastor Chun Ki-Won never stopped. He never quit saving
lives. Lives of North Koreans insanely brave enough to escape the dictatorship
of the Kim Jong lineage. Today, the Pastor is sitting on a couch in the offices
of his Church in Seoul. Framed clippings that adorn the walls of the room testify
to his faith and persistence.
Mais lui, ce qu'il préfère, c'est ce petit sac
en plastique gris à l'allure barbouillée par de multiples manipulations,
et qu'il garde précieusement sur un coin de son bureau déjà
bien encombré. Il détient la vérité, celle qui se
passe de l'autre côté, chez le voisin nord-coréen, là
où la folie a pris le pas depuis longtemps sur une idéologie socialiste
qui, paraît-il, voulait le bien d'un peuple.
One of his treasured belongings is a small grey and well-worn
plastic bag that he preciously keeps within eyesight on a corner of his already
cluttered desk. It holds the truth, the truth of is happening on the other side
of the border, the North Korean neighbour, where madness has long ago overtaken
a socialist ideology that supposedly wants nothing more but the good of the
people.
Deux manuels scolaires, outils de propagande
Two textbooks: propaganda tools
Que contient ce sac? Des trésors d'un autre temps? Non,
le pasteur Chun de la mission Durihana, est catégorique. “Ils sont encore distribués dans les écoles
aujourd'hui.” Ce sont des manuels scolaires. L'un enseigne les mathématiques
; l'autre, la musique. L'un de couleur jaune symbolise l'été,
l'autre avec une cabane sous la neige et sur fond vert, représente l'hiver.
Les livres lui ont été donnés par un élève
de primaire, il y a quelques années et ils seraient donc encore d'actualité.
But what does this grey bag contain? Are they treasures from another
time? No, Durihana Ministry’s Pastor Chun Ki-Won is emphatic. “These are still being distributed in schools today.” They are school books. One teaches mathematics; the other, music.
One with a yellow cover symbolizes summer, the other portraying a cabin covered
with snow and a green background represents winter. These books were given to
him by a primary school student a few years ago, and today they would still
prove to be pertinent and in use.
△ Des manuels scolaires, outils de propagande.(DR.)
Les maths ressemblent aux nôtres. Addition, multiplication
et division. Mais en Corée du Nord, on se fiche un peu des nombres, on
préfère les symboles. Tant de soldats américains tués
soustraits, divisés ou additionnés aux morts nord-Coréens.
L'important, c'est de marteler qu'un Américain mort relève de
la bonne réponse. Pour la musique, c'est un peu le même refrain.
On voit une charmante fillette entonner une chanson avec des paroles qui en
disent long. “Allons tuer les Japonais ou encore que l'Amérique aille
se faire voir.”
The Maths resembles ours: Calculus, multiplication and division.
But in North Korea, symbols are preferred to numbers. How many American soldiers
were killed and subtracted, divided or added to the North Korean dead. What
matters is putting emphasis on a dead American, and that would be the correct
answer. As for music, it's a bit of the same refrain. A lovely girl is singing
a song with words that speak volumes. “Let's go kill the Japanese or let America go and take a long
hike off a short pier.”
≪J'ai grandi avec cette idée que nos voisins n'étaient
pas des humains mais des créatures de l'enfer≫
≪I grew up with the idea that our neighbours weren’t humans,
but creatures of hell.≫
Le pasteur contemple ces deux ouvrages, avec la même tristesse
effarée que lorsqu'il les a eus en main, la toute première fois.
Ils sont la preuve vivante de la lutte, du combat qu'il mène depuis les
années 1990 contre le régime de Pyongyang. Il a aidé plus
d'un millier de fugitifs. Ensemble, ils ont souvent traversé la Chine,
le Laos, la Mongolie ou la Thaïlande. Le combat de toute une vie. Seul.
Même sa famille, ses enfants, se moquent du destin des Nords-Coréens.
“Qui prendra la relève lorsque je ne pourrai plus”, murmure-t-il. Pasteur Chun range ces trésors de propagande
honnie dans ce sac vénéré. Il sait qu'il les montrera encore
et toujours. Ils sont pour lui la Vérité d'une dictature implacable
faîte de folie et de cruauté. Qu'il faut combattre jusqu'au dernier
souffle. Le sien.
Pastor Chun Ki-Won scrutinises these two alarming works, with
the same frightened sadness when he had them in hand for the very first time.
They are living proof of the struggle and the fight he’s been waging since
the 1990s against the Pyongyang regime. He has helped more than a thousand fugitives.
Together, they oftentimes crossed China, Laos, Mongolia or Thailand. It’s been
the fight of a lifetime undertaken alone at that. Even his family and his children
could not care less of the fate of North-Koreans. “Who will take over when I can no longer do it,” he murmurs. Pastor Chun Ki-Won puts these treasures of hated
propaganda in their proper place in this precious bag. He knows that he will
show them again and again. To him they are the truth of an implacable dictatorship
birthed from insanity and cruelty. It must be fought until the last breath,
even his very own.
Le déclic : le cadavre d'une femme
The Trigger: the corpse of a woman
Rien ne prédestinait Chun à un tel destin. Il
est né dans le sud-est de la Corée du Sud, dans un petit village
où lorsqu'il était enfant, il n'y avait ni eau, ni électricité.
Jamais le sort des voisins nord-Coréens n'est évoqué dans
la maisonnée qu'il qualifie de classe-moyenne. “J'ai grandi avec cette idée que nos voisins n'étaient
pas des humains mais des créatures de l'enfer.” D'ailleurs ses débuts dans la vie, lorsqu'il quitte
ses parents, sont ceux d'un petit businessman ordinaire qui tente de faire des
affaires avec la Chine. “Je m'étais rendu à Hunchun, dans le nord du
pays avec pour ferme intention d'ouvrir un petit hôtel. J'avais loué
une voiture avec chauffeur et puis en chemin, je me suis rendu compte qu'au
niveau de Juche Tower, on apercevait la frontière nord-coréenne.
J'ai descendu la colline afin de prendre une photo.”
Nothing ever predestined Pastor Chun Ki-Won to such a destiny.
He was born in south-eastern South Korea, in a small village which had no water
or electricity when he was a child. The fate of North Korean neighbours was
never brought up in the household which he describes as being middle-class. “I grew up with the idea that our neighbours were not humans
but creatures of hell.” The early beginnings of his professional life when he leaves his
parents’ home are those of a small and ordinary businessman who tries to do
business in China. “I went to Hunchun in the northern part of the country, intending
to open a small hotel. I rented a car with a driver, and then on the way I realized
that at Juche Tower we could see the North Korean border, so I went down the
hill to take a picture.”
Mais il tombe sur une paire de chaussures. Bizarrre. Elles semblent
attachées à quelque chose. En réalité, ce quelque
chose est un corps de femme. “Le cadavre était rigide et tout le monde s'en fichait.
Le chauffeur m'a dit qu'elle venait sûrement de la Corée du Nord.
Il y en avait plein qui essayaient par ici et qui mourraient. Il semblait complètement
indifférent à cet état de fait”. Plus tard, un documentaire sur la vie du révérend
sera tourné et il s'intitulera The Frozen Lady, en mémoire de
cette personne, inconnue.
Then he trips on a pair of shoes. How odd. They appeared attached
to something. In reality, this “something” was a woman's body! "The body was rigid and no one cared,
the driver told me that she was probably from North Korea, and there were a
lot of people dying while trying to cross over here, that it was simply “a matter of fact”. At a later date, a documentary of the life of Pastor Chun Ki-Won
will be made and titled “The Frozen Lady”, in memory of this person, unknown, abandoned and unburied.
Une vie de James Bond
A life of James Bond
Quelques jours plus tard, une autre scène fondatrice.
Il se trouve à la gare. Des enfants traînent et mendient. Il les
prend pour des Sud-Coréens. Il leurs jette quelques pièces. Mais
des policiers chinois surgissent immédiatement et les frappent avec des
bâtons. Une petite fille est même lourdement blessée à
l'oreille. Chun découvre les “kotjebi” (les orphelins de Corée du Nord). Au même moment,
au marché, une femme hurle alors qu'elle est en train de se faire kidnapper
par des gars surgis de nulle part. “Là encore, j'ai demandé à mon chauffeur.
Il m'a répondu : 'Ce n'est pas illégal de kidnapper des Nord-Coréennes
en Chine parce qu'elles n'ont aucun papier.'”
they were South Koreans. He threw a few coins to them. But out
of nowhere Chinese policemen emerged, hitting them with sticks. A little girl
got heavily injured on the ear. Chun then discovers the meaning of “kotjebi” (the orphans of North Korea). At the same time in the marketplace,
a woman was screaming that she is being kidnapped by guys darting out of nowhere. “Again, I quizzed my driver and he replied, 'It is not illegal
to kidnap North Koreans in China because they are without papers.'”
≪Je me suis retrouvé avec deux personnes à faire
sortir en ayant pas le début d'une idée de comment faire≫
≪I ended up with two people to smuggle out with no idea whatsoever
in how to accomplish it.≫
Ce sera la révélation pour Chun qui, une fois
rentré au pays, se convertit au christianisme, devient le Pasteur Chun
et fonde l'église Durihana. Désormais, lorsqu'il retourne dans
l'Empire du Milieu, c'est pour prêcher la bonne parole du Christ. Ce sont
deux corps sans vie, des orphelins à la gare de Tuen et une femme qui
hurle sa douleur qui le font de nouveau basculer. “Avec mon équipe,
nous avons essayé de la sauver en payant une rançon d'environ
300 dollars mais tandis que nous discussions le tarif, elle a disparu. Tout
ressemblait à un scénario de film.” Il ne sait pas encore que
sa propre vie va prendre des allures de James Bond. Parce qu'il a trouvé
sa voix, il va sauver des gens. Il sera passeur.
This will be a revelation to Pastor Chun Ki-Won who, once returned
home, converted to Christianity, became Pastor Chun and founded the Durihana
Church. From this point forward, when he returns to the Middle Kingdom, it is
to preach the Gospel of Jesus Christ. There is the figure of two dead bodies,
the orphans at Tuen station, and a woman screaming out in her pain that shock
him, motivating him to action. “My team and I were trying to save her by paying a ransom of
about $300, but while we were discussing the price, she disappeared - it all
felt like being part of a movie script.” He is not yet aware that his own life will look like James Bonds’.
Because he has found his destiny, he will help save people. He will become a
people smuggler.
Son premier sauvetage a lieu dans les années 2000. Il
fait la connaissance d'un transfuge dont la mère est coincée en
Chine. Il ne désespère pas de la faire venir. Il s'adresse au
pasteur. “Je lui ai dit, oui, sans imaginer une seule seconde dans quoi
je m'embarquais.” Grâce à un donateur, il réunit la somme
nécessaire pour payer le “broker” (intermédiaire) et le transport. Et puis un autre transfuge
se manifeste. Il vit à Hong-Kong. Sa fille se trouve en Chine, il veut
la faire venir. “Voilà, je me suis retrouvé avec deux personnes
à faire sortir en ayant pas le début d'une idée de comment
faire. Alors, je suis allé en Chine, j'ai acheté une carte, trouvé
une route via le Cambodge et le Vietnam. J'ai réussi et quand je l'ai
expliqué aux autorités de mon pays, ils m'ont accusé de
mentir. 'Impossible, ont-ils dit, la route entre la Chine et le Vietnam est
truffé de policiers et de cobras. Celle entre le Vietnam et le Cambodge
de mines.'” Pour la plupart des gens, cette fuite réussie relevait
de la chance, pour lui, elle est apparue comme un signe de Dieu. “Plus tard, j'ai accompagné vingt Nord-Coréens
via le désert de Mongolie. C'était devenu ma priorité numéro
1.”
His first rescue occurred at the beginning of the year 2000. He
met a defector whose mother was stuck in China. He did not despair of bringing
her here. He contacted the Pastor. “I told him, yes, without imagining a single second what I was
getting myself involved in.” All of this thanks to a donor who gathered the necessary sum
to pay the middle-man and transportation. Then another defector identified himself.
He lived in Hong Kong. His daughter was in China, and he wanted for her to come
to Hong Kong. “This is how I ended up with two people to smuggle out, with
no idea of how to do it, so I went to China, bought a map and found a way through
Cambodia and Vietnam. After I succeeded at it, I explained it to the authorities
in my country and they accused me of lying. “Impossible, they said, the road between China and Vietnam is
riddled with police and cobras. Then between Vietnam and Cambodia there are
countless mines.'” For most people, this successful escape was lucky, but for him,
it was the confirmation of a sign from God. “Later on, I guided twenty North Koreans through the Mongolian
desert. It had become my number one priority.”
Les femmes plus nombreuses que les hommes à quitter la
Corée du Nord
More women than men leave North Korea
“Il est vrai que depuis deux ou trois ans, le nombre de gens
qui fuyait la Corée du Nord avait tendance à diminuer, concède
le pasteur. Mais depuis le début de 2019, le chiffre est reparti à
la hausse. On associe cet changement à Kim Jong-un. Et au fait que les
habitants connaissent de plus en plus ce qui se passe à l'extérieur
des frontières.” On compte quelques 32.000 transfuges de Corée du Nord.
A une époque encore récente, cela correspondait à quelques
2.000 arrivées par an. Ce n'est en effet plus le cas.
“It's true that in the past two or three years, the number of
people fleeing from North Korea has seemed to decline,” says the Pastor, but since the start of 2019, the number is rising
again. This change is linked to Kim Jong-un and the fact that people are increasingly
aware of what is happening outside of their borders.” There are approximately
32,000 defectors or more from North Korea. Up until recently, this was equivalent
to around 2,000 arrivals per year. But this is indeed no longer the case.
≪Maintenant, tout transite par la Chine≫
≪Now, everything goes through China.≫
Ji-yoon Lee, coordinatrice chez “Alliance for Northern Korean Human Rights, le confirme : “Le
chiffre est en baisse. Les femmes constituent à 80% le groupe de Nord-Coréens
qui fuient désormais le pays. Malheureusement, elles échouent
souvent en Chine où des passeurs leurs promettent des mariages fantastiques
avec des citoyens chinois. En réalité, elles se retrouvent souvent
dans le fin fond du pays, sans papier, souvent séparées de leurs
enfants et dans l'impossibilité absolue de se défendre et et encore
moins de s'enfuir à nouveau.”
Ji-yoon Lee, coordinator at the Alliance for Northern Korean Human
Rights, confirms it: “The figure is down. Women consist of 80% of North Koreans currently
fleeing the country. Unfortunately, they often fail once in China where smugglers
promise them fairytale marriages with Chinese citizens. In reality, they are
more likely to be found in the far end of the country, without papers of identification,
oftentimes separated from their children and in absolute impossibility of defending
themselves, even less to flee again from an abusive situation.”
La mission du pasteur Chun a ainsi évolué. Il
n'est plus celui qui franchit les frontières et accompagnent les fuyards
pour les guider vers la liberté. “J'utilise des 'brokers' qui négocient les prix avec
les passeurs. C'est devenu un véritable business. Avant, on pouvait même
aller chercher les gens directement, en Corée du Nord. Maintenant, tout
transite par la Chine.” Les fugitifs s'y installent désormais souvent. Parfois,
contraints, comme les femmes. “La société chinoise a beaucoup changé,
poursuit le pasteur, tout est digital, et ces femmes n'ont aucune identité,
ne peuvent même pas acheter un téléphone, elles sont donc
prisonnières mais dans un autre pays.”
Pastor Chun's mission has evolved. He is no longer the one crossing
borders accompanying fugitives and guiding them towards freedom. “I use brokers who negotiate prices with smugglers. It's become
a business in the true sense. At one time you could even help people directly
from within North Korea, now everything goes through China.” At present, fugitives settle right there quite often. Sometimes
they are restricted, as women are." Chinese society has also changed quite
a bit, the Pastor says, everything is digital, and these women have no identity,
they cannot even buy a phone, so they are still prisoners, only in another country.”
Le “choix de Sophie”
“Sophie's choice”
Le coeur de la mission a par conséquent également
bougé. Désormais, Durihana s'occupe de l'intégration des
Nords-Coréens, en Corée du Sud. Elle accueille une soixantaine
d'enfants (8 à 18 ans) que les équipes volontaristes du pasteur
se chargent d'éduquer, soigner et d'abriter. La mission se compose de
trois corps de bâtiment. L'un d'entre eux, situé à quelques
encablures de l'église et des bureaux, a été transformé
en habitation. On compte huit lits superposés. Ce jour-là, Esther
Park, une jeune Canado-Coréenne, tente de convaincre les adolescentes
qui se sont enfermées dans leur chambre de bien vouloir ouvrir.
Naturally the purpose of the mission has also changed. Currently,
Durihana Ministry deals with the integration of North Koreans in South Korea.
It houses approximately sixty children (8 to 18 years) that the Pastor's volunteer
teams are responsible for in the ways of educating, caring and sheltering. The
mission consists of three building bodies. One of them, located close to the
Church and offices, has been transformed into housing. There are eight bunk
beds. Today, Esther Park, a young Canadian-Korean, is trying to convince teenage
girls who have locked themselves in their room to open the door.
“La porte ne doit jamais être verrouillée”, glisse-t-elle, en souriant et vaguement inquiète. Finalement,
une jeune fille de 16 ans, un peu ronde et très mécontente de
devoir lâcher sa console, finit par glisser une tête. On apprend
que la demoiselle emplie de colère, a été lâchée
par sa mère qui a dû choisir entre elle et un mari, une fois arrivée
en Chine.
“The door must never be locked,” she says calmly, smiling and vaguely concerned. Finally, a girl
aged 16, a little heavy set and very upset at having to let go of her console,
showed her face. We learned that the very upset young lady is enraged, because
she was let go of by her mother who was forced to choose between her and a husband,
once having arrived in China.
≪Les femmes sont souvent obligées de choisir : quel enfant
vont-elles laisser derrière elles?≫
≪Women are often forced to choose: which child will they leave
behind?≫
Esther Park confirme que dans beaucoup de cas, il y a une histoire
tragique, un double abandon, un côté “choix de Sophie”. “Les femmes sont souvent obligées de choisir : quel
enfant vont-elles laisser derrière elles, parce incompatibles avec une
nouvelle vie en Chine.” Une autre ado passe le seuil de sa chambre. Le côté
droit de son visage est traversé d'une grande balafre. “Le compagnon de sa mère, un Chinois, avait essayé
de la tuer”.
Esther Park confirms that in many cases there is a tragic story,
a double abandonment, a “Sophie's Choice” side to consider. “Women are often forced to choose: which child will they leave
behind, because of being in the way of a new life in China, which qualifies
them as incompatible or unsuited for the future.” Another teenager enters her room. The right side of her face
was slashed with a knife and now her cheek shows a large scar. “The companion of her mother, a Chinese man, had tried to kill
her.”
Destins fracassés, brisés, en miette, ces enfants
ont du mal à s'adapter. Tout est difficile. Et les Sud-Coréens
ne les accueillent plus autant avec enthousiasme. Et lui le pasteur Chun, croit-il
encore en sa mission? Il sursaute. “Oui! Quand j'étais jeune, j'étais naïf,
c'est sûr. Maintenant, j'ai une meilleure idée de ce que veut dire
tout ça mais j'ai l'intime conviction d'être encore dans le vrai,
le juste. J'ai été appelé par Dieu pour cette mission.” A 63 ans, celui qui a la coquetterie de mettre ses lunettes
le moins souvent possible, se ronge pourtant les sangs. En août prochain,
le propriétaire des lieux les met dehors, dans le cadre de la gentrification
du quartier. Il a moins de deux mois pour trouver de nouveaux locaux sinon les
enfants qu'ils accueillent, seront une nouvelle fois abandonnés.
Shattered destinies, broken and crumbling lives, these children
have great trouble adjusting. Everything is difficult. And today South Koreans
don’t welcome them as enthusiastically as before. And what about Pastor Chun,
does he still believe in his mission? He’s startled. “Yes, when I was young, I was naive, it’s a given. Now I have
a better idea of what all that means and entails. But I hold firmly to the deep
conviction that I'm still in the right, the Truth, that I was indeed called
by God for this one-of-a-kind mission.” At age 63, Pastor Chun who prefers not to put on his glasses
except as little as possible still feels raw at the core. Next August 2019,
the owner of the buildings that houses this ministry will throw them out on
the pavement, as part of the gentrification remodelling of the neighbourhood.
He’s got less than two months to find new premises against the possibility
that the children, who are welcomed there for the time being, might be abandoned,
once more.